C’est un drame national qui ce joue actuellement sur fond de crise du placement d’argent, notamment en ce qui concerne la structure dénommée ICC Services. Aucune certitude encore sur le montant des sommes levées par cet opérateur. On parle de 30 à 100 milliards en trois ans à peine. Par contre, l’on sait déjà, l’on constate que les dégâts sont incommensurables. Untel de nos compatriotes qui vend son unique maison, va déposer des dizaines de millions de FCFA à ICC Services et se met en location, dans la perspective de récupérer plus d’argent et de reconstruire ! Untel autre vend ses parcelles et fait la même opération. Untel autre encore, comptable dans une entreprise privée, profite de l’absence de son patron et place l’argent de l’entreprise. Des individus, après s’être lancés dans l’affaire, ont tout fait pour convaincre leurs proches de s’y aventurer aussi. Le bonheur est à portée de main, pensaient-ils tout. Ce n’est là qu’un bref aperçu du synopsis. Les exemples peuvent être multipliés à l’infini. S’ils y sont allés de manières différentes, aujourd’hui, tous vivent la même triste réalité. La structure est en état de cessation de paiement. Et les subterfuges de ses responsables ne font que renforcer le désarroi des victimes. Et pourtant, quelques esprits avisés avaient averti, appelant à se souvenir de l’affaire Madoff aux USA. Rien n’y fit.
J’ai déjà dénoncé, dans une récente chronique, notre cupidité collective et notre goût de la facilité. Je réitère ici que ceux d’entre nous qui, sans esprit critique, sont allés se livrer à ces prétendus faiseurs d’argent, ont leur part de responsabilité dans ce qui leur arrive. Et j’accuse notre « ventrocratie » qui nous a conduits au désastre. Je nous accuse de ne pas croire aux valeurs du travail. Le travail qui, seul, génère la richesse et libère. Je nous accuse d’avoir pris Dieu et l’Univers pour des cons au point de fabriquer, quelque part où seuls des initiés ont accès, des usines à fabriquer l’argent facile. J’accuse ensuite les promoteurs de ce gangstérisme. Eux qui, en feignant une parfaite communion avec un courant religieux, et surtout avec le pouvoir au point d’exposer la photo du chef de l’Etat dans leurs locaux, ont abusé les populations. « Ne vous fiez pas à la blancheur du turban ; peut-être le savon fut pris à crédit » enseigne la sagesse. Or, voilà que les populations ont vu dans la blancheur de vos robes, l’expression de l’immaculée, de la pureté. J’accuse donc ces promoteurs de fausse richesse d’avoir joué avec l’avenir de milliers de familles béninoises. Je les accuse d’user maintenant avec les nerfs de leurs victimes en promettant de les rembourser et en affichant, le jour venu, des listes sur lesquelles aucune d’entre elles ne se retrouve. Je ne manquerai pas de rappeler que notre cupidité a été un ferment pour la prospérité de leur affaire.
J’accuse ceux de nos responsables politiques au plus haut niveau qui, alors que leur attitude doit inspirer confiance au peuple, et au lieu de mettre les populations en garde, les ont plutôt encouragées en s’accoquinant avec les promoteurs, en plaçant eux-mêmes de l’argent. J’accuse enfin l’Etat, particulièrement le gouvernement et plus particulièrement encore son chef, Boni Yayi d’avoir toléré l’existence de cette affaire. De l’avoir encouragée par son silence coupable mais aussi de façon active. Tout le monde doit se rappeler, en effet, que les promoteurs de ICC Services, avec de supposés partenaires étrangers, ont été reçus en audience à la présidence de la République par le chef de l’Etat. Une sorte de caution officielle de l’Etat. Ailleurs, quand ça se passe ainsi, les autorités qui se sont comportées de la sorte, même quand elles auraient été de bonne foi, en tirent les conséquences : elles démissionnent pour avoir, d’une manière ou d’une autre, encouragé le fait. Ensuite, on prend des mesures hardies pour empêcher que les mis en cause se volatilisent. Il paraît que les loups ne se mangent pas entre eux…