On peut donner acte au gouvernement de sa volonté proclamée, en choisissant désormais d’imposer la cogestion du PVI après avoir suspendu le contrat de Bénin Control jusqu’à nouvel ordre, d’éviter « d’isoler notre port, de sécuriser les ressources douanières à la mesure de nos ambitions de doter le Bénin profond d’infrastructures, d’éviter la flambée des prix dans nos marchés, préjudiciable au maintien du pouvoir d’achat des braves populations de nos villes et de nos campagnes et de prévenir des crises sociales qui pourraient en découler ». Mais, sauf à accepter d’être considérés comme des demeurés, on ne peut le comprendre quand il entend se prévaloir de sa propre turpitude…
Le gouvernement dit constater qu’après un an de mise en œuvre du PVI, « notre port est parti pour être isolé par rapport aux ports de la sous-région… une quarantaine de navires mouillent les eaux du port de Lomé, le nôtre n’a attiré difficilement que 5 ; l’amélioration attendue de nos recettes n’a pas été effective à la mesure de nos espoirs et nos espérances car l’évolution des recettes n’a pas changé, ni avant, ni après la mise en œuvre du PVI… ; la flambée des prix dans nos marchés est une réalité au point où bon nombre de nos compatriotes peinent à se donner un repas par jour. La pauvreté s’aggrave donc. ». L’on croit rêver en entendant ou en lisant ces mots véhiculés par le communiqué du gouvernement non daté mais rendu public ce lundi 7 mai. Comment ne pas s’étonner quand on se rappelle que le PVI dans sa version prônée et vantée par le gouvernement lui-même, a été présenté comme la panacée pour renflouer les caisses de l’Etat, au moment où les esprits les plus avisés qui appelaient à faire attention, étaient traités comme des apatrides ? Comment oublier que certains pontes du régime ont défendu avec une foi qui, hélas, n’aura pas réussi à transformer leur PVI en moteur du développement attendu, ce programme qui aurait, d’après leurs dires, contribué à enrichir le pays alors qu’avant, seuls les douaniers corrompus s’enrichissaient ? Et que dire lorsqu’on voit le gouvernement reconnaître enfin, toutes dénégations antérieures oubliées, que le PVI a plutôt entraîné une flambée des prix dans nos marchés, au point où certains de nos compatriotes n’arrivent plus à se nourrir convenablement ? On a beau faire des efforts, se fermer les yeux et les oreilles, on perçoit à travers les paupières, les gesticulations d’officiels s’acharnant à nous démontrer que l’inflation que nous vivions de plein fouet dès l’opérationnalisation du PVI n’était pas l’œuvre de ce programme mais plutôt de commerçants véreux. Même nos oreilles fermées ne nous épargnent pas d’entendre leurs élucubrations et autres démonstrations vaseuses tendant aux mêmes fins. Enfin, il n’était que temps ! Mais seulement quand les relations entre deux hommes eurent fini de se détériorer…
Le peuple est comme pris en otage de ce fait. Et le gouvernement apparaît bien pathétique et pitoyable quand il soutient que « … dans un tel contexte où l’Etat ne trouve pas son compte, où l’économie nationale court le risque de se priver de ses deux poumons (le port et le coton où intervient le même opérateur hier adulé et adoré, aujourd’hui tombé en disgrâce) le promoteur s’enrichit puisque sa rémunération est garantie et sécurisée. A ce jour, sur la base d’un décompte sa rémunération ayant trait uniquement au contrôle des importations à payer par l’Etat, et celle relative au scanning et au tracking payée par les usagers, s’élèvent à un minimum de 13 milliards de FCFA ». Comme si cela n’était que du fait dudit opérateur (plus puisant que l’Etat !), à l’exclusion de toute responsabilité de notre gouvernement si vertueux et si soucieux de nos problèmes. Et comme si cela ne suffisait pas, le gouvernement nous assène que « face à ce risque, l’Etat est aujourd’hui dans l’impossibilité de savoir combien le promoteur a dépensé en dépit de la volonté du gouvernement de disposer des informations sur le volume de ses équipements, leur valeur, leur provenance, leur fiabilité, leur efficacité, etc. lesquels équipements sont exonérés de tous droits et taxes ». Que ne voilà le comble de l’hérésie et de l’inconséquence ! Cela s’appelle, à tout le moins, aveu d’incompétence et manque de sens d’à propos. En réalité, comment un gouvernement sérieux peut-il, après coup et dans une opération de cette envergure, se prévaloir de telles énormités ? Le contrat relatif au PVI a-t-il donc été conclu à la tête du client ? Et pour quelles considérations ? Comment un gouvernement sérieux, qui veut engager l’Etat dans une telle opération, n’a-t-il pas pu s’entourer d’un minimum de garantie pour en préserver les intérêts, et qu’il vienne aujourd’hui pleurnicher sur son sort, sur nos sorts ? C’est à croire que le contrat a été conclu dans une précipitation que rien d’objectif ne saurait justifier.
Et le gouvernement enfonce le clou de sa propre incompétence et de son manque de vision, en croyant susciter l’émoi des populations quand il affirme : « le problème est que l’Etat ne dispose aujourd’hui d’aucun moyen pour empêcher le promoteur d’exhiber un jour ou à tout moment au peuple béninois une facture de 50 ou 100 milliards dont il attendrait le règlement. De quel moyen dispose ce peuple pour régler une telle facture ? ». N’est-ce pas là la confirmation d’une incompétence majuscule, d’une inefficacité honteuse? En évoquant ces chiffres de façon fantaisiste, le gouvernement apparaît bien pathétique à faire pitié. Et c’est sûr qu’ailleurs, dans les pays qui se respectent, cela est un scandale, un motif suffisamment grave pour demander au chef du gouvernement de présenter la démission de son équipe faute pour lui-même d’en prendre l’initiative. Ici, hélas, on peut s’amuser de telles énormités, au point même, sans honte aucune ni remords aucun, de continuer à jouer les messies : « le président de la République me charge de vous dire où qu’il se trouvera sur la terre comme au ciel et à tout moment, il sera toujours avec vous ». C’est le Secrétaire général du gouvernement qui nous parle au nom du président de la République. Pinçons-nous le nez car décidément nous avons tiré le gros lot. Que cela se chante à longueur de discours propagandistes, passe encore. Mais qu’on introduise cet ingrédient de mauvais goût dans un document aussi officiel, il y a forcément matière à désespérer et à avoir honte ! Que nous soyons bernés à ce point, violés sans préservatif ni lubrifiant, et que ceux qui ont provoqué cela viennent pleurnicher avec nous sur notre sort, se moquent même de nous en prenant cette posture messianique, il y a là quelque chose de cynique et d’incompréhensible, sauf à être un peuple de demeurés, d’amnésiques incurables, de gens qui auraient confié toutes leurs productions à des commerçants sans foi ni loi, lesquels, après avoir vendu lesdites productions, ne se soucient même pas de payer la contrepartie et, au contraire, se moquent de ceux qui leur ont fait confiance, en les riant au nez. Triste, notre sort ! Jusques à quand ?