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  • : Le Blog de Wilfried Léandre HOUNGBEDJI
  • : Actualités du Bénin, commentaires, analyses, opinions ...pour participer à la Refondation du Bénin
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  • Wilfried Léandre HOUNGBEDJI
  • Journaliste et écrivain béninois engagé. Auteur des livres: Liberté et Devoir de Vérité (mai 2008), Scandales sous Yayi (décembre 2008) et 2011...?! Chroniques d'une élection annoncée fatidique (décembre 2009)
  • Journaliste et écrivain béninois engagé. Auteur des livres: Liberté et Devoir de Vérité (mai 2008), Scandales sous Yayi (décembre 2008) et 2011...?! Chroniques d'une élection annoncée fatidique (décembre 2009)

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31 décembre 2013 2 31 /12 /décembre /2013 20:35

27 décembre : l’exploit retentissant du pouvoir Yayi

 

C’est un exploit à nul autre pareil depuis le début du Renouveau démocratique, qu’a réalisé le pouvoir Yayi le vendredi 27 décembre dernier, en réprimant dans le sang la volonté des centrales syndicales d’organiser une marche pacifique. Certes on savait déjà que, depuis les années yayiennes, la démocratie béninoise s’accommode de l’application sur mesure de certaines lois de la République, laissant marcher allègrement les partisans du pouvoir pour le moindre motif et souvent pour rien de consistant mais probablement aux frais du contribuable, et empêchant systématiquement l’Opposition et les centrales syndicales de manifester pour critiquer ou dénoncer la gouvernance Yayi. On n’imaginait cependant pas que le pouvoir irait jusqu’à cette extrême même si on percevait, sans vouloir avoir la lucidité de l’admettre, quelque zeste d’intolérance grégaire, liée à la peur bleue des centrales syndicales dont les mouvements concertés peuvent faire mal, ou carrément au refus de toute critique, de toute expression contraire à la voix officielle.

 

On n’imaginait pas davantage que, même s’il a pris l’habitude d’interdire systématiquement les manifestations d’opposants ou de centrales syndicales depuis quelques années, le pouvoir, au regard de la conjoncture socio-politique actuelle, irait jusque-là. En effet, alors que l’agression de Martin Assogba est encore fraîche dans les esprits et que certains compatriotes ne s’empêchent même pas de voir la main du pouvoir derrière cette affaire, s’adonner ou ordonner cette répression violente d’une marche pacifique visant à dénoncer les avatars de la gouvernance, reviendrait à corroborer les soupçons de virage dictatorial qui pèsent sur le régime. C’est entendu, en effet, une démocratie ne peut se résoudre à la libre expression pour quelques-uns alors que d’autres sont littéralement interdits de dire ce qu’ils pensent.

 

Le régime Yayi a donc réalisé un exploit parce que, depuis 1990 et Dieu sait qu’il y a eu des marches interdites sans pour autant en arriver à cette brutalité animalière, c’est bien la première fois que l’on voit du sang couler, les responsables confédéraux directement victimes de la répression au gaz lacrymogène et peut-être même autre arme. Motif de la répression : la marche n’aurait pas été autorisée, même si la mairie y a donné son quitus, par le préfet. Ce sera le lieu de demander au même préfet et à tous ses collègues si les nombreuses marches, parfois spontanées, organisées en faveur du pouvoir ou pour dénoncer l’Opposition, reçoivent quelque autorisation. Et de leur rappeler que si nous prétendons être en démocratie, nous devons nous faire à l’idée que c’est un système politique qui autorise l’expression plurielle. Non un système dans lequel les mêmes peuvent toujours manifester, les autres jamais. Un tel système n’a qu’un nom : autocratie ! Et c’est en cela que l’exploit réalisé par le pouvoir Yayi est inédit et retentissant. Transformer une marche pacifique qui, si elle avait lieu, serait déjà oubliée, en un événement majeur, un catalyseur dont on certainement pas fini d’apprécier les conséquences.

 

D’abord il risque d’instaurer un cycle de violences ou de contestations de plus en plus soutenues. Et les conséquences, en fonction de la ténacité des meneurs et de leurs foules, peuvent être incommensurables. Ensuite, il conduit la communauté internationale à être plus attentive aux nouvelles venant du Bénin, à scruter l’attitude du pouvoir, d’un pouvoir qui court le risque de se faire mettre au ban de la communauté, d’être étiqueté comme infréquentable voire carrément brutal, despotique. Or, que dénonçait par exemple Barack Obama aux obsèques de Mandela ? Le fait pour certains dirigeants de se répandre en admiration devant la dépouille du grand homme, mais de ne faire en concret rien qui les en rapproche. D’œuvrer au contraire, à empêcher l’expression de leurs peuples, de s’engluer dans a corruption. Et qu’entendaient dénoncer les syndicalistes à l’occasion de leur marche ? La corruption justement, entre autres. Paradoxe donc que le gouvernement se gargarise si souvent de slogans vouant la corruption et ses succédanés aux gémonies, mais interdisant par ailleurs toute dénonciation de l’hydre par la société civile !

 

Attitude pour le moins curieuse. Face à laquelle on attend de voir quelle va être la réaction des centrales syndicales. Vont-elles rengainer ou, plutôt, gagner en détermination pour en découdre avec le pouvoir ? Déjà elles annoncent une grève générale si, à terme, leur revendication, conséquence de la répression sauvage subie, n’est pas satisfaite : il s’agit du limogeage du préfet et du commissaire central de la ville de Cotonou. Le pouvoir, pour gagner la paix et se prémunir de l’orage qui couve, va-t-il se dépêcher de les sauter comme des fusibles ? Attendra-t-il au contraire d’avoir les syndicalistes à l’usure, tant leur détermination pourrait s’émousser au fil du temps ? La seule chose dont on peut être certain, en ce moment, c’est qu’avec la répression brutale de la tentative de marche du 27 décembre dernier, un cap a été franchi, qui promet d’épicer la suite des débats. Et, en même, temps, fait planer une chape d’incertitude sur le Bénin. Le conflit est là, potentiel !

 

Un conflit qui naîtrait ainsi en partie de l’obstination d’un pouvoir à ne tolérer aucune contradiction. La encore, c’est connu, les régimes qui empêchent leurs peuples de s’exprimer leur font accumuler les frustrations. Qui finissent toujours par éclater au visage des oppresseurs. A moins qu’en plus de toutes ses impérities il soit aussi sado-masochiste, ce n’est certainement ce que recherche le pouvoir yayien. En le psychanalysant cependant, on peut découvrir quelque germe ; tant ce pouvoir aime à se créer des situations confuses. Celle-ci, née le 27 décembre dernier, est-elle celle de trop ? Rien n’est moins sûr. Ce qui l’est par contre, c’est qu’aucune bavure ne sera tolérée par la communauté internationale. Aucune exaction aussi… Une page est tournée au Bénin depuis le 27 décembre. Celle à venir pourrait s’écrire en couleur rouge sang. Ces temps-là ne seront pas de tout repos…

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